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On est partis…

25 novembre 2011: une date, point de départ d’un calendrier sur un fichier Excel commencé il y a dix-huit mois, sur lequel s’enchaînent les voyages comme les pièces d’un puzzle. Puis une date sur un billet d’avion, réservé huit mois en avance. Puis les jours qui s’accélèrent soudainement… C’est mathématique: un jour de passé quand il en reste une cinquantaine ou une centaine avant l’échéance, c’est anodin; un jour de passé quand il n’en reste que quatre ou cinq, ça fait tout de suite beaucoup plus drôle et procure un petit pincement au cœur.

Je pars le cœur léger vers de nouveaux horizons pour un projet incroyable. Six semaines de détente sur un continent fascinant longtemps inaccessible et aujourd’hui encore miraculeusement protégé par le protocole de Madrid. Puis, à partir du 8 janvier, douze mois d’ascensions, de montagne, de neige, de glace… De rêves, de galères, d’émotions intenses, d’éclats de rire, de fatigue, de larmes de joie… De morceaux de vie, en somme…

Je pars le coeur lourd d’une nouvelle infiniment triste. Gérard Pailheiret, un merveilleux guide, un ami, est décédé d’une maladie foudroyante. Il s’est battu, j’ai encore son SMS: « je ne lâcherai rien ». Coureur à pied dans son jeune âge, skieur alpiniste, à la bataille pour la gagne au Raid Gauloises, précurseur de stages de cascades de glace dans les Ecrins, organisateur pendant plus de dix ans d’un grand rassemblement de glaciairistes, il laisse un grand vide derrière lui. Il me laisse des souvenirs bien vivants et des images joyeuses de grandes courses : l’historique Coste-Rouge et le Sirac dans la foulée, le mythique Z à la Meije, la laborieuse arête SSE du Gaspard après la Madier à la Dibona et la pointe des Aigles, l’éperon Renaud qu’il aurait aimé ouvrir, la très esthétique traversée Meije-Pavé-Gaspard, la face nord des Courtes au pas de course, un enchaînement improbable aux Bans (Picard-Vernet et pilier N), en plus des nombreuses escalades, goulottes et cascades de glace….  Il m’a emmenée en montagne pendant une quinzaine d’années et savait parfaitement où il pouvait me faire passer… ou non!  Je l’entends encore me houspiller pour me faire gagner en efficacité, sans se départir de ce sourire qui illuminait son visage. Sa générosité, sa bonne humeur, sa joie de vivre, sa spontanéité, son esprit curieux, son enthousiasme permanent et son sens de l’humour vont nous manquer. Merci, Gérard; ton sourire nous accompagnera encore longtemps sur les montagnes du monde.

La vie continue. On se redresse. La pulsion de vie est si forte. L’hiver dernier, Gérard filmait en cascades, se moquait de mes gros gants (chauds mais peu techniques) et m’avait prêté sa veste orange, qui selon lui convenait mieux sur les images. « L’orange, ça pète sur les photos… ». Message reçu. Je n’ai pas changé les gants mais j’ai la veste orange. Comme un clin d’oeil.

C’est l’heure d’embarquer. Vous venez?

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