Il y a 100 ans, le 14 décembre 1911, le Norvégien Roald Amundsen était le premier homme à atteindre le pôle Sud à l’occasion d’un voyage qui dura 99 jours. En ce mois de décembre 2011, il y avait donc une affluence toute spéciale au pôle, près d’une centaine de personnes dont le Premier Ministre norvégien soi-même venu rendre hommage à son compatriote. Une météo capricieuse joua quelques tours aux touristes venus assister aux célébrations et leur rappela qu’en Antarctique plus encore qu’ailleurs, la nature règne en maître.
Amundsen, habillé de vêtements en fourrures de renne, au bord d’une des multiples crevasses qu’il rencontra sur sa route vers le Pôle Sud. Les crevasses sont toujours là mais l’équipement a quelque peu changé…
Quelques jours plus tard, le calme et la sérénité étaient revenus au camp de Union Glacier. J’arrivai du Vinson pour retrouver deux co-expéditionnaires, Andrea et Carol, que la perspective de quelques jours de ski pour arriver au Pôle faisait également saliver. Eric Larsen allait nous guider lors de cette aventure et nous faire profiter de son expérience exceptionnelle (deux traversées complètes vers le pôle Nord, deux vers le pôle Sud et un Everest en prime).
Les deux jours suivants furent consacrés à différents préparatifs et autres tests de matériel. Du mauvais temps au pôle nous contraignit à patienter deux jours supplémentaires, que nous mîmes à profit pour s’exercer avec le traîneau.
La préparation de la nourriture a plusieurs objectifs: s’assurer qu’on a de quoi passer dix jours sur la glace (soit 3 jours de sécurité par rapport au planning prévisionnel d’une semaine pour rallier le pôle), s’assurer qu’on n’emporte pas trop (la chasse au poids), essayer de coller au plus près possible aux goûts et contraintes alimentaires de chacun(e) et conditionner les aliments de façon à minimiser l’énergie à fournir pour les absorber. Eric passa une nuit aux fourneaux à préparer et mettre de la nourriture sous vide, prête à consommer: pancakes (sans gluten), œufs brouillés au bacon…
Exercice de couture: le masque en fourrure polaire, une fois cousu au masque de ski, procure une excellente protection du visage tout en permettant une respiration facile
Pour une visite guidée du camp de Union Glacier, cliquer ici.
Le 22 décembre, par un vent de 70km/h, nous embarquons dans le Twin-otter. Monica, le pilote, vole jusqu’au 89° degré sud où elle nous dépose avec les traîneaux sur lesquels se trouve tout ce qui est nécessaire pour survivre quelques jours dans un environnement exigeant. Elle bat des ailes en s’en allant, pour nous souhaiter bon courage? On peut ressentir un certain moment de solitude en regardant autour de nous, à perte de vue, le désert de neige et de glace que représente le plateau polaire… Nous attendent 60 miles nautiques (110km) pour rallier le Pôle, si tout va bien…
L’avion s’en va, nous laissant face à nous-mêmes pour quelques jours (si tout va bien…)
Une des dernières terres non colonisées par MacDonald’s. Par où on va??
Premier campement: deux tentes, un mur de neige pour les protéger du vent, et un coin toilette (un trou en plein air avec un mur de neige pour donner un peu d’intimité). On prendra l’habitude d’en construire deux: une pour servir véritablement de toilettes et l’autre faisant office de cabine téléphonique pour Andrea qui reste en contact avec ses sponsors… Le soleil, présent toute la nuit quand il fait beau, maintient la nuit dans la tente une température très agréable.
Le lendemain, le temps est mitigé mais, comme dit Eric, la météo semble toujours pire quand on est sous la tente qu’elle ne l’est en réalité, donc autant se lever et avancer. Le jour blanc puis le brouillard bousculent nos repères et compliquent l’orientation. Ce sera une courte journée qui permet de prendre le rythme que nous garderons jusqu’au Pôle : une pause de 10 minutes après chaque heure trente de ski, une pause déjeuner de 25 minutes au milieu de la journée. 7 heures de ski effectif par jour. Des barres énergétiques à chaque pause, une soupe avec du jambon et du fromage au déjeuner. Des vivres déshydratés au dîner. Dire que ceux qui font la grande traversée vivent sur ce régime pendant 50 jours, en skiant jusqu’à 12 ou 14 heures par jour…
Seuls au bout du monde. Chacun est à la fois seul et partie d’une équipe.
La pause. Un mot d’ordre: mettre la doudoune pour ne pas congeler sur place, tourner le dos au vent et manger pour ne pas faiblir avant la prochaine pause.
Le thermos de soupe à la pause: ça réchauffe!
Eric assure la navigation et veille sur notre sécurité
Entre chaque pause, les sessions de ski sont propices à l’observation du paysage, qui ne change pas vraiment comme nous approchons du pôle mais reste unique, ou à l’introspection. Certains passent en revue leur vie, d’autres imaginent quel sera le prochain projet…
On laisse une trace derrière nous pour quelques heures ou quelques jours. Comme notre présence sur terre, elle est éphémère. Soyons seulement conscients de la chance que nous avons d’être là et profitons-en à fond.
La météo est bonne. Température moyenne de -15° au soleil, vent faible et souvent de dos. Nous passons notre temps à ajuster les couches, baisser et relever la capuche, enlever et remettre le masque néoprène sur le visage, pour évoluer avec une température aussi constante que possible. Surtout ne pas transpirer: il faut éviter de mouiller les premières couches de vêtements, ce qui nous refroidirait trop aux pauses. Pour autant, il y a un certain spectacle en fin de journée…
Carol (en haut) et Andrea (en bas)
L’autre souci concerne les lunettes: comment éviter la buée, qui gèle immédiatement et gêne la vue… On couvre environ 20 kilomètres par jour et on donne notre position chaque soir aux équipes de Union Glacier. Amundsen n’avait pas de GPS ni de téléphone satellite…
Le sixième jour, nous nous réveillons avec une certaine excitation. Si on marche bien aujourd’hui, on dormira au Pôle! La température clémente (-15° au soleil) et l’absence totale de vent réchauffent la neige. Moins abrasive, elle permet de bien glisser et nous avalons les miles. A 14h, nous déjeunons en observant au loin les bâtiments de la station scientifique américaine du pôle Sud. Ça sent bon l’arrivée! A 18h, nous saluons Scott, le manager du camp d’ALE du pôle Sud. On y est!
Les derniers mètres vers le Pôle!
Après un bon dîner cuisiné par Scott, on n’hésite pas une seconde. Malgré une journée déjà longue, on parcourt le dernier kilomètre qui nous mène au Pôle. 28 décembre 2011, le Pôle Sud, 100 ans et 14 jours après Amundsen! Photos!
Le globe et la statue en glace d’Amundsen marquent le « Pôle protocolaire ». Pas un chat en vue. Nous sommes loin du tumulte qui a du être celui des célébrations du jubilee Amundsen!
Le Pôle Sud géographique. Pas de doute, on y est…!
Les jours suivants, en attendant le twin-otter qui doit nous ramener à Union Glacier, nous rencontrons plusieurs équipes qui font le voyage intégral. Des Basques, des Australiens, des Américains et un Néo-Zélandais. Cretains rentrent en avion, d’autres font le retour en kite-ski. Scott en fait tous les jours… Je ne sais pas quel vent il y a mais la température est de -25° au soleil et -40° avec l’effet du vent.
Nous passons la nuit du réveillon dans l’avion puis sommes accueillis chaleureusement à Union Glacier avec du champagne et un dîner gastronomique! Nous attendons l’Ilyushin pendant encore quatre jours, l’occasion de faire le tour des attractions alentours.
L’arête du Mont Rossman
Sommet du Rossman
En gelant, l’eau forme des alvéoles comme dans une ruche
Les cristaux de glace à contre-jour
Ce mois de décembre en Antarctique a été à la hauteur des attentes et a permis de conclure l’année 2011 de la plus belle manière qui soit. Magique!
Bilan de l’année 2011, en direct du Pôle Sud
Plus de photos disponibles sur l’album « Pôle Sud »