Du Grand Paradis je ne connaissais que la voie normale, parcourue il y a une bonne vingtaine d’années et qui ne m’avait pas laissé un souvenir immémorable. Quand Bertrand me parle de la traversée Petit Paradis – Grand Paradis, je suis étonnée, un peu sceptique et vais regarder sur Internet: ceux qui y sont allés sont enthousiastes, évoquent une esthétique course d’arêtes. Les photos donnent envie d’y aller, même si une ou deux laissent présager des passages très aériens… Mmhh, allons voir sur place!
La météo annonce le tout grand beau temps en ce week-end de mi-septembre, le beau temps qu’on n’a pas eu cet été: il faut en profiter! C’est un peu la course pour gagner le Val d’Aoste depuis Paris en une demi-journée… TGV pour Grenoble, voiture jusqu’à Chamonix, tunnel du Mont-Blanc et val d’Aoste…
Montée champêtre au refuge Chabod (2750m) par un sentier pavé en ardoises façon voies romaines. Nous guettons les bouquetins dont la présence fait la réputation du Parc du Grand Paradis et pour lesquels Yves transporte un énorme téléobjectif dans son sac…
On émerge de la forêt, une marmotte en vue, puis on aperçoit la chaîne de montagnes et la traversée de demain. Ça a l’air beau. Ça a l’air long!
Refuge bondé, très bruyant: bienvenue en Italie… Dortoir énorme, difficile d’avoir un repas sans gluten. Pourquoi les Italiens sont-ils persuadés qu’il n’y a pas de gluten dans les saucisses? Départ à 04h30. Il n’y a pas franchement de trace dans les moraines et dalles, on navigue un peu à vue. On atteint la neige et on chausse les crampons. Un piolet m’échappe à la rimaye, Bertrand redescend le chercher en petites foulées dans une pente neigeuse assez raide (!) et le retrouve alors qu’il a stoppé sa course sur un renflement improbable… bravo! Deux longueurs en glace permettent d’accéder au col (400m de pentes, 45° max) où nous assistons au lever de soleil avec des couleurs rose puis orangé puis orange vif. Le spectacle est magnifique!
Au fond, des chaînes de montagne à contre-jour avec des bancs de brume.
Du col, il faut suivre l’arête tantôt sur le fil, tantôt sur son flanc gauche, versant glacier de la Tribulazione (Cogne). On ne quitte pas les crampons. Plusieurs hauts gendarmes nécessitent un peu d’escalade dans le III. Énormément de manipulations de corde, de multiples passages en désescalade, des petits rappels… Ça prend du temps!
Aérien, avez-vous dit?
L’itinéraire est souvent très aérien, je me gratte la tête à deux ou trois reprises et hésite franchement sur l’un des passages… l’un de ceux que j’avais vus en photo avant de partir et qui se présente devant moi: oups! Avec un petit coup de main de Bertrand, ça passe mieux. N’empêche… Je commence à trouver la succession de ressauts interminable. On a l’impression d’être au col du Petit Paradis, de toucher la neige, et non… ce n’est pas encore terminé… Damned! Où est la neige?!
Suivre le fil…
ci-dessus: photo Internet, celle qui m’avait un peu inquiétée avant le départ…
Moi-même dans ledit passage (photo: Bertrand David). Pas franchement décidée à y aller…
Quand on se retourne vers les arêtes dont on a suivi le fil
Ci-dessus: la suite des réjouissances, de la neige! (photo Internet)
Du col, nous remontons ensuite la magnifique arête cornichée qui même au sommet de la face nord.
Une dernière incertitude sur la voie, avec un détour en val de Cogne à l’occasion d’une dernière partie rocheuse… Je grogne mais gagne une photo de bouquetins, les seuls que nous verrons lors de notre séjour dans la région. Aussi perdus que nous dans cette barre de rochers?
Remontée vers l’arête que l’on suit ensuite jusqu’au sommet du Grand Paradis, atteint vers 12h30.
Il y a toujours autant de monde au sommet et sur la voie normale. La descente est avalée au pas de course et nous retrouvons le refuge vers 14h30.
Cette traversée est une belle course mixte peu fréquentée, mais attention à la longueur! Retour in extremis pour attraper le dernier TGV depuis Grenoble. Heureusement qu’on rentre au bureau pour se reposer…