La dent d’Herens figurait en tête de ma liste de ‘cases à cocher’ depuis un dimanche d’été et l’ascension de la Dent Blanche. De ce magnifique belvédère, on n’a d’yeux que pour le Cervin bien sûr, et pour la face nord de la dent d’Hérens qui nous fait face. Une magnifique paroi, des glaciers suspendus, une fine arête sommitale… Mmmhh, je la regardais avec gourmandise et me pourléchais d’avance…
La face nord de la Dent d’Herens depuis le sommet de la Dent Blanche
Les années ont passé, la forme physique a décliné et l’appétit a du se détourner de la face nord pour se rabattre sur l’arête Ouest, qui répond également au doux nom de Tiefmatten. Voie plus facile, moins dépendante des conditions de fin d’été… Quand on cherche une photo sur Internet, elle a quand même une sacrée ‘gueule’! Et puis, il y a cette promesse de découvrir le sommet du Cervin de relativement près…
En rouge, l’itinéraire de l’arête Ouest depuis le col Tiefmatten
La première (et principale difficulté?) de la course consiste à gagner le refuge d’Aoste, en Italie. On s’engage dans la charmante vallée de Valpelline, aux toits de maison si typiques, jusqu’au bout de la route, le barrage de Place Moulin. Là, certains prennent un vélo pour les 5km le long du lac mais vu le poids du sac à dos, aucun regret de ne pas être équipés…! Je ne vois pas comment pédaler avec un tel poids sur le dos! Départ à pied donc, au pas de charge, en longeant le lac d’un bleu magnifique, au pied des montagnes et des glaciers.
Au bout du lac, une auberge et quelque maisons, puis le sentier s’élève doucement. Un panneau jaune, repère des randonneurs, indique pour le refuge un temps de marche de… 3h30… Aïe aïe aïe… Cela fait déjà 1h15 que nous sommes partis, à un rythme plutôt rapide… Aïe aïe aïe…
Prenant notre mal en patience, nous progressons dans la forêt puis dans des pâturages. Presque personne en ce samedi d’été, c’est étonnant.On remonte la vallée jusqu’à traverser un torrent, endroit à partir duquel on emprunte un chemin escarpé que je ne voudrais pas parcourir par temps de pluie… On dénivelle rapidement, avant de traverser plusieurs éboulis avec le refuge en point de mire… Objectif atteint après 3h45 de marche soutenue.
Le refuge au centre de la photo
Nous ne sommes que deux cordées ce soir. Ceci constitue paradoxalement une affluence presque record pour la gardienne, qui n’a connu que 13 jours de beau temps en cet été 2014… et donc très peu de visites. Heureusement qu’elle est salariée du Club Alpin Italien et n’attend pas le client pour manger… Elle est adorable et son accueil chaleureux (merci pour le poêle!) est bien agréable. Repas sans gluten, super, merci!
Départ dans la nuit. La météo prévoyait le grand beau temps mais des flocons saluent notre sortie du refuge! Nous sommes sous une mer de nuages… Je n’aimerais pas avoir fait tout ce chemin pour faire demi-tour… Après une mise en route assez rapide du fait d’une moraine extrêmement abrupte, nous prenons pied sur le glacier à la lueur des frontales. Le glacier est peu crevassé et la progression facile jusqu’au pied du col où nous nous encordons avant d’empoigner les cordes fixes, câbles et chaînes métalliques pour déboucher sur l’arête. Si les flocons ont cessé, nous sommes toujours dans la purée de pois.
Partie rocheuse assez aérienne, pas mal de gaz des deux côtés, pas vraiment envie de tomber donc une vigilance de tous les instants. Il y a du vent, les mains ont froid au contact du rocher. On avance progressivement, jusqu’à prendre pied sur la neige. Une grande pente régulière qui mène à l’arête sommitale. Le vent est soutenu, 40km/h et davantage en rafales? Nous venons de sortir de la mer de nuages, à une altitude d’environ 4000m, et une joli spectacle se dévoile à nos yeux. Ambiance!
L’arête est fine, aérienne. A gauche, les pentes fuyantes de la face nord, en excellentes conditions. Une pointe de regret… A droite, le vide vers le bassin du glacier, par lequel nous redescendrons. Devant nous, quelques mètres encore à la frontière des nuages pour apercevoir le Cervin et se dresser au sommet de cette belle dent d’Herens.
Pas de place pour se croiser ici, ni pour mettre les deux pieds l’un à côté de l’autre. Vigilance encore pour ne pas se laisser emporter par une rafale de vent… on tourne la tête dos au vent pour respirer.
Les nuages se dissipent peu à peu. Joli!
Le vent souffle et nous n’habitons pas là… alors on repart en direction de la descente.
Après la neige, on retrouve l’arête en rocher. Descente en rappel possible mais corde de 80m obligatoire. On peut redescendre le chemin de montée en désescalade, et l’expérience montra que cela ne prit pas plus de temps que les rappels.
Un dernier coup d’œil derrière soi à la dent d’Herens et à l’arête que nous venons de gravir en aller-retour. Un beau voyage!
Retour sur l’ascension de la Dent Blanche: DENT BLANCHE, Voie Normale (août 2010)
Comme toujours, des images magnifiques qui font rêver, merci Marion et bravo !