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Pari perdu à l’Ama Dablam (Népal, 6856m)

Dimanche 13 novembre, descente du camp de base de l’Ama Dablam dans la vallée de l’Everest…  Brouillard complet, humidité saturant l’atmosphère, on s’attendrait à voir sortir des sorcières d’Halloween… Je sais qu’il n’y a pas de vol sur Lukla depuis trois jours et que la météo est mauvaise pour les trois prochains jours… Malade, je me fais doubler par une Japonaise et un groupe de personnes âgées britanniques. Non, sans rire… Exactement les mêmes conditions qu’il y a une semaine, quand je suis montée au camp de base. Same players, try again.

Ce projet d’ascension à l’Ama Dablam était un pari osé. Profiter de l’acclimatation acquise au Langtang Ri pour ne faire qu’un « summit push », un assaut direct du sommet. Cela laissait très (trop) peu de place aux aléas qui n’ont pas manqué de survenir.

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L’expédition a tout de suite mal débuté. Début novembre, une période de sept jours de mauvais temps entraîne la fermeture de l’aérodrome de Lukla, qui donne l’accès à la vallée de l’Everest et à l’Ama Dablam en particulier. Quelques milliers de personnes y sont coincées (et entassées), ont manqué leur vol international et désespèrent de sortir de ce traquenard. Le village commence à manquer de vivres. Les plus impatients ont décidé de descendre à pied par Jiri (quatre jours de marche, un jour de voiture). Ceux qui peuvent se le permettre financièrement sont descendus jusqu’à un village en contrebas, Surkhe, désormais célèbre parce qu’offrant une aire d’atterrissage pour hélicoptères un peu plus dégagée que Lukla. Quoique…  La visibilité est extrêmement limitée, le pilote vole au GPS et rase les collines pour quand même trouver un vague point de repère. Impressionnant. Un peu inquiétant. Mieux vaut fermer les yeux… ? A Surkhe, des dizaines de personnes attendent dans la bruine qu’on les autorise à embarquer. L’intox, la lutte d’influence… Avoir payé (très cher) ne garantit pas d’avoir une place sur un vol. D’autres plus autoritaires peuvent vous chiper votre tour et vous réduire à attendre le vol suivant, alors même que les fenêtres météo sont extrêmement courtes et peuvent amener les compagnies à annuler ce fameux vol suivant. Quitte à devoir donc passer une nuit sur place, dans des conditions parfois culturellement enrichissantes mais pratiquement très rustiques… Pour qu’on vous dise le lendemain que vous deviez voler la veille et donc que votre embarquement n’est pas prioritaire. Attendez donc la prochaine rotation…

600x450-ct105L’hélicoptère tout neuf brille sous le soleil de Katmandou

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A l’arrivée, la météo est nettement moins clémente…

L’atterrissage à Surkhe (vidéo)

044-descenteLes touristes, totalement dépendants des décisions que prennent deux Népalais quant à l’embarquement, prennent leur mal en patience et rongent leur frein sous la pluie. les Népalais acceptent les backchichs, cela va sans dire…

Après quelques péripéties et un seul jour de retard sur le programme, j’ai réussi à voler de Katmandou à Surkhe dans le brouillard, puis gagner Lukla et Namche Bazar. Là, retour du beau temps mais nouveau coup d’arrêt. Gros problème intestinal : virus, intoxication alimentaire ? Peu importe, je suis incapable de marcher et dois m’arrêter en cours d’étape dans un endroit assez sordide, au fond d’une gorge… Reprise de la montée le lendemain, sur un train de sénateur, jusqu’à Pangboche. Puis le camp de base de l’Ama Dablam, enfin. Les deux jours de sécurité prévus par le programme initial ont été consommés et les prévisions météo annoncent une grosse perturbation. Damned… Cela ne va donc jamais s’arrêter ?

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Le monastère de Tengboche

006-VueValléeAma Dablam (à droite) et Lhotse (grande face à gauche) / Everest d’où s’échappe le panache de neige)

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L’Everest pointe son sommet à gauche, face sud du Lhotse à côté du chorten009-AmaDablam
On se rapproche de l’Ama Dablam

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Coucher de soleil sur la face sud du Lhotse

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Coucher de soleil sur l’Ama Dablam et lever de la lune

Au camp de base à 4500 mètres, de nombreuses expéditions sont encore là mais, pour la plupart, terminent leur ascension et sont sur le point de boucler leurs bagages. La vue est magnifique sur l’Ama Dablam. On peut suivre les grimpeurs dans les dernières pentes de glace qui mènent au sommet. Ils font la queue sur les cordes fixes. Hum…

Vues du camp de base (vidéo)
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La queue sur les cordes fixes… Gros plan sur les grimpeurs sur les pentes de glace terminales

Je décide de monter sans délai pour tenter le sommet : on verra bien ce que donne la météo une fois sur place. C’est sans compter sur un énorme rhume et une forte fièvre. Antibiotiques, inhalations, pastilles pour la toux et la gorge, rien n’y fait. Après une nouvelle journée de repos qui malmène un peu plus mon calendrier, je tente ma chance et me traîne (ainsi qu’un gros sac) au camp 1 pour y passer une nuit terrible. Il gèle tout juste et pourtant je tremble de froid dans le duvet et frissonne toute la nuit. Aucune énergie au réveil. Rien à faire. Il faut renoncer. Dommage. L’endroit est magnifique, perché sur une arête de rocher. La vue sur la suite de l’itinéraire donne envie d’aller s’y frotter : les longueurs en rocher, les champignons de neige, les grandes pentes de glace… Tout ce dont j’ai rêvé pendant quelques mois, à portée de main et pourtant totalement inaccessible tant ma fatigue est grande et mon état de santé dégradé. Grrhhh…

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Montée au camp 1:

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Paysages, vus du camp 1

031-PaysageC1Le Tawoche (gauche) et le Cholatse (à droite du Cholatse), ainsi que le Cho Oyu (tout à droite de la photo), vus du camp 1

 

033-SunriseC1 034-SunriseC1Lever de soleil au camp 1

Pour ceux qui veulent voir de très belles photos de ce qui m’attendait – moi, je ne les regarde plus parce que cela fait mal au cœur…

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L’arête depuis les dernières tentes du camp 1

039-Camp3 Le camp 3 (une tente orange au soleil, posée sur le monticule neigeux)

040-sommetDes grimpeurs en file indienne montent au sommet

Je prends le chemin de la descente, alors que les intestins sont de nouveau malades. Une seule chose compte : avancer, descendre. La météo est effectivement mauvaise dans la vallée. De nouveau le cauchemar des vols sur Lukla : j’y arrive un lundi alors que les vols ont cessé depuis le samedi précédent et qu’aucune amélioration n’est prévue avant le vendredi suivant. Entre-temps, mon bagage s’est perdu et personne ne sait où se trouve le porteur. Les 8000 USD de matériel que contient le bagage sont sans rapport avec les 16USD que touche le porteur par jour. La tentation est grande et certains (certes rares) y cèdent, paraît-il… Sourires condescendants des Népalais présents au lodge… Il ne manquait que cela…

Le bagage finalement retrouvé dix-huit heures et pas mal de stress plus tard, je descends sans attendre sur Surkhe le mardi pour une rotation prévue à 14h et sans surprise, me fais chiper ma place. La fenêtre météo se ferme à 16h, nuit chez l’habitant. Je force le passage sur le premier vol le lendemain matin à 8h, pour se faire dérouter sur un camp militaire de campagne, attendre 5 heures une autre rotation, puis faire une heure de voiture… Arrivée à Katmandou à 17h avec 1000USD en moins sur le compte en banque. Ravie du voyage, ça va sans dire.

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Nuit chez une accueillante petite famille 

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La grand-mère s’occupe du maïs

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Sans doute assez de réserves en pommes de terres pour tenir jusqu’à la prochaine récolte

L’amélioration météo attendue le vendredi a lieu et les avions libèrent des milliers de personnes coincées à Lukla. Il parait qu’il a neigé : l’hiver a fait son apparition. Maintenant, les pistes de l’aéroport international de Katmandou ont été fermées quelques heures à cause du brouillard, contraignant les avions à atterrir ailleurs (Delhi ? Bénarès ?) et acheminer leurs passagers à Katmandou par bus (3 jours pour Bénarès). Donc, ce n’est pas encore gagné de pouvoir rentrer sur Paris. L’aventure (limite cauchemardesque) continue. Welcome to Nepal !

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8 commentaires sur “Pari perdu à l’Ama Dablam (Népal, 6856m)”

  1. Le vinson est le premier tenté, je dirai entre le 12 et le 15 pour le sommet en fonction des conditions météo. Après, il sera temps de se tourner vers le pôle sud… en espérant que la santé
    tienne!

    bonne fin d’année à toute la famille

  2. Salut Marion, bon bah cela sera pour la prochaine fois, mais les images de l’arête d’ascension de l’Ama Dablam font rêver…. Vivement l’Antartique! Remets toi bien pour probablement des paysages
    somptueux à venir…. Ascension du Mont Vinson prévue quand exactement?

  3. Jean-François, merci pour ton message! Frison avait loupé l’avion pour le Népal, peut-être est-ce pour cela que je n’ai pas eu de chance pour les expés… Il est déjà dans le sac de
    l’Antarctique, pour sûr! All the best

  4. Pas de chance avec la santé et les problèmes de déplacement vers Lukla. Mais tout de même quelles belles montagnes ! Merci pour ces photos magnifiques. Nous avons ausi retrouvé avec plaisir
    l’ambiance du « foyer » népalais. C’est toujours un plaisir de suivre ton blog. Nous te souhaitons de vite retrouver la super forme et de continuer à nous faire rèver.
    Des nouvelles de Frison ???

  5. Hello

    il vous a peut-être manqué le stress et le cinéma du retour… un grand moment!Je ne remettrai pas les pieds au Khumbu. Je ne souhaite pas cautionner ce capitalisme ultra-sauvage qui conduit les
    compagnies d’hélicoptère à préférer aller chercher de riches touristes plutôt qu’effectuer les secours (jambe cassée, gelures avancées), à l’ocassion desqels elles ne pouvaient facturer aux
    assurances « que » le tarif officiel – le riche touriste étant prêt, lui, à payer jusqu’au double pour rentrer chez lui. Ca vous paraît normal?

  6. Bonjour Marion
    Allez, allez…
    C’est vrai qu’à Lukla ce fut une belle galère pour tous, mais il ne faut pas noircir trop fort le tableau !
    L’Ama Dablam est si beau, le Népal a tellement d’autres coins extraordinaires… que tu y retourneras bien.
    Nous c’est pratiquement dèjà décidé malgré la très grosse déception de cette année.
    Amitiés de Giuliana et Jean-Paul

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