En théorie, les principaux paramètres de l’équation sont les mêmes que dans les Alpes : difficulté et longueur de la course envisagée, conditions sur la montagne, conditions météorologiques. En Alaska, ces paramètres prennent une toute autre dimension.
La taille imposante des montagnes (même si elles ne sont pas toutes en haute altitude) ainsi que l’absence de refuges conduisent naturellement à envisager un style d’ascension plus proche de la technique himalayenne. Ici, la moindre ascension de « touristes » prend 7 à 10h. Une voie en glace près du camp de base du MacKinley ? Comptez 15 heures.
Des avions transportent votre matériel jusqu’au camp de base désigné : tentes, cordes et accessoires de grimpe, fuel, nourriture, affaires personnelles… A partir de là, il faut s’employer. Du fait notamment du froid omniprésent sur la période de grimpe qui dure d’avril à début juillet, le matériel à emporter est conséquent et ralentit la progression, ce qui suppose d’en emporter encore plus… Là, ça se complique puisque la météo très capricieuse n’accorde que rarement ces longs créneaux indispensables aux belles ascensions. Besoin de 3 à 4 jours de beau temps de suite ? Cela n’arrive qu’occasionnellement et cela sera encore plus rarement annoncé par les prévisionnistes qui, selon leur propre aveu, se trompent une fois sur deux, ajoutant encore une dose d’incertitude. Alors ?
Il faut grimper le plus léger possible, surtout dans les voies où la descente est malaisée : sacrifier en chaleur de sac de couchage, ne prendre qu’une tente symbolique et non étanche (tant pis s’il neige), des céréales et des pâtes… En somme, se résigner à passer des nuits « misérables » qui affectent votre récupération mais sont la seule chance de s’en sortir. Peut-être. Parce qu’il faut aussi composer avec les conditions présentes sur la montagne. Des précipitations trop nombreuses déstabilisent le manteau neigeux : une neige fraîche posée sur de la glace bleue froide et cassante, spécialité de l’Alaska, terrifie les meilleurs alpinistes. Si le rocher est plâtré, pas facile de grimper et nettoyer les prises avec les gros gants dans des longueurs dures… Et du fait du faible nombre de grimpeurs présents dans le massif, il est très difficile d’obtenir des informations fiables sur la voie envisagée. Si celles qu’on vous donne datent de moins de dix jours, vous avez de la chance. Sauf qu’en dix jours, là encore plus qu’ailleurs, tout peut complètement changer. Quelle solution ?
- La zen attitude. Rester patient. En Alaska, tous ceux qui ont réalisé de belles voies ont longtemps attendu au pied des montagnes. Certains y restent plus d’un mois de suite et reviennent les années suivantes si nécessaire. Pourtant, ce printemps, j’ai vu de très forts alpinistes au camp de base du MacKinley, guides de haute montagne, grimpeurs nominés ou élus pour la récompense des Piolets d’Or… Personne ne s’offusque d’une tentative avortée. L’essentiel est presque de tenter : avec beaucoup d’abnégation et de chance, ça passera. Mais qu’il est frustrant de rester au camp de base à attendre le créneau, d’échouer après avoir porté de (trop) gros sacs ou de grimper dans le mauvais temps…
- La rapidité et l’engagement. Et quel engagement ! Trop d’engagement ? Grimper en Alaska s’apparente à un casse-tête pour les alpinistes amateurs, moins rapides et naturellement plus prudents en terme d’engagement que des professionnels. Quel dommage, alors que les montagnes sont si belles…
Le bilan de ces 15 jours sur le terrain ?
L’absence de conditions favorables pour les deux sommets envisagés initialement, le mont Huntington (accident la semaine précédente) et le mont Russell (accès à l’arête sommitale impraticable). Changement de programme, donc.
Trois jours de transfert (vol & installation des camps). Six jours d’activité dont une tentative avortée, une jolie voie en glace, un « petit » sommet, un couloir et de la randonnée glaciaire en raquettes. Six jours dans les tentes du camp de base. Des statistiques proches des expéditions himalayennes pour un massif où le style alpin, léger, est la condition sine qua non de la réussite d’ascensions un minimum techniques. La quadrature du cercle, en somme.
- des nuits à -12 degrés dans la tente au camp de base du MacKinley à 2000m. Ajoutez un peu de vent dehors, il ne faisait pas chaud.
Camp de base MacKinley et son runway; de g. à droite: MacKinley, Kahiltna, Radio Control Tower, pilier nord du Hunter
Camp de base MacKinley / de g. à droite: Foraker (5304m), Crosson
- tentative sur l’arête ouest du Mont Hunter : des sacs énormes (il faut faire son apprentissage !), des conditions de neige trop risquées qui ont motivé le demi-tour et un guide insuffisamment expérimenté pour ce type d’aventure (trop lent, au cas particulier).
Mont Hunter (4442m), vu du camp de base du MacKinley au coucher du soleil; arête ouest à droite se détachant sur le ciel (pilier nord à gauche)
- « Bacon & Eggs » : une très jolie voie technique en glace (soutenue en 80/85°, 90° max) : le même guide très lent (15h aller-retour !) ; de la neige toute la journée ; le spindrift (petites coulées de neige légère qui vous recouvre et pénètre partout dans vos vêtements) toutes les dix minutes ; malgré cela, quel plaisir avec un sac léger sur une neige polystyrène et une glace relativement bonne ! Dommage, les photos (et celles du Hunter) sont parties avec l’appareil qui s’est crashé dans la goulotte du haut du dernier relais.
Crédit photos (les miennes sont restées dans la rimaye avec l’appareil…) : A. Bender
- Radio Control Tower (2643m), course d’initiation : le seul vrai sommet à ce stade à inscrire au compteur !
- le camp de base du Pic 11.300 (traduire : d’une altitude de 11.300 pieds ie 3444m) : l’attente, les supputations. On scrute le ciel, les « bons » nuages (au sens où on l’entend en Europe) apportent en fait du mauvais temps quand les franchement « mauvais » nuages finiront par amener du soleil, alors que le temps dont nous disposons est écoulé… A n’y rien comprendre ! En guise de divertissement et pour tromper la frustration : damage de la neige pour dégager une piste pour l’avion ; randonnée en raquettes sur le glacier (vers le haut et vers le bas) ; reconnaissance de la descente sur glacier de la voie convoitée (en vain, puisqu’on ne l’aura pas montée)… Et, quand même, un couloir de 700m qui ne mène à aucun sommet, juste à une arête d’où la vue sur le mont Huntington est imprenable : enfin, pouvoir se dégourdir les jambes…
Le pic 11.300, l’objectif initial; montée par l’arête de gauche, descente par celle de droite puis le glacier
Cadre plaisant pour une randonnée
Entrée de la vallée où se trouve le camp de base du pic 11.300
sacrées griffes, le yéti! A moins que cela ne soit un ours, couleur locale?
Bonjour Marion
Nous rentrons aujourd’hui à Courbevoie et nous pouvons t’envoyer ce message pour te souhaiter un bon anniversaire. Un peu en retard, certes, mais le coeur y est !
Nous espérons que tu te fais plaisir du côté du Mac-Kinley. Tu en gardes un peu sous la pédale ; il faut tenir jusqu’à fin 2011.
Amitiés,
Giuliana et Jean-Paul
Super ces photos. Ca donne vraiment envie de venir participer à cette expédition.
Je suis content de te voir en pleine forme.
Attention, retourne toi doucement. Sur la photo du couloir vue d’en haut, il y a une patte de yeti en bas de la photo. Curieuse rencontre en Alaska… Mais je vios que tu as pu regagner l’hotel et
poster les photos. Ouf ! Bisous
Marion qui nous explique qu’elle « fait de la randonnée ». On aura tout vu ! A dans une semaine.
En tout cas tu as du bien t’amuser! Sympa de te voir ton visage si souriant!